
Quelles grandes marques dominent l’imaginaire des jeunes générations ? Qu’est-ce que le savoir-faire horloger suisse signifie à leurs yeux ? Que cherchent-ils dans une montre ou encore comment perçoivent-ils l’industrie horlogère helvétique ? Voici, entre autres, des questions que les marques, les curieux et les passionnés peuvent régulièrement se poser et auxquelles notre enquête nous a permis d’apporter des réponses éclairantes et parfois étonnantes (ou même amusantes comme exposé en fin d’article).
Il y a quelques mois, frustrés et assignés à résidence comme nous l’étions tous, nous décidâmes en effet de tirer le maximum de cette période de contacts dématérialisés en nous attelant à la mise au point d’un sondage en ligne explorant les attentes, jugements et perceptions des étudiants et jeunes actifs sur le secteur horloger suisse. L’enquête a ensuite été largement distribuée sur des dizaines de groupes étudiants d’avril à septembre 2020, nous permettant ainsi de recueillir de nombreuses et précieuses réponses. A travers la lecture de cet article, nous vous proposons d’en apprendre plus sur la relation souvent méconnue des jeunes à l’horlogerie par le biais de leurs propres témoignages, qu’ils ont gracieusement accepté de dévoiler au monde en répondant à nos questions.
Afin d’aider le lecteur à s’y retrouver plus facilement dans ce rapport complet et détaillé, le sommaire ci-dessous permet de naviguer de façon fluide et directe entre les différentes parties de l’article.
Sommaire
Introduction – Données démographiques
I/ Réseaux sociaux – habitudes et following
II/ Consommation – habitudes et préférences
III/ Horlogerie – visibilité
IV/ Horlogerie – connaissances, perceptions et regards sur l’industrie
V/ Marques – visibilité et perceptions
VI/ Garde-temps – critères d’achat et désirs
Conclusion – key learning points
Ils ont été 154 répondants à compléter notre questionnaire et ont en moyenne alloué 8 minutes pour ce faire. Encore une fois, nous les en remercions chaleureusement.
154 répondants
90% entre 18 et 25 ans
L’âge médian des sondés s’élève à 21 ans, avec plus de 90% de répondants âgés de 18 à 25 ans.
Une quasi-parité hommes/femmes des sondés est assurée, avec 44% de femmes et 56% d’hommes.
56% d’hommes,
44% de femmes
58% Suisses,
30% citoyens U.E,
12% reste du monde
On note également une prédominance des citoyens suisses avec néanmoins une forte représentation étrangère. Ainsi, 58% des répondants sont Suisses, 30% sont étrangers issus de l’Union Européenne, 3% sont Russes, 2% Chinois et 7% restants proviennent du reste du monde.
On peut compter des parcours universitaires variés avec une surreprésentation des étudiants EHL. En effet, 45% sont issus des rangs de l’EHL, 17% de l’EPFL, 16% de l’UNIL, 13% de Glion et 9% d’autres écoles.
45% EHL,17% EPFL,
16% UNIL,13% GLION,
9% D’AUTRES ECOLES
revenus/an des parents:
52% > CHF 150’000.-,
35% > CHF 200’000.-,
12%> CHF 300’000.-
Les revenus du foyer parental semblent s’afficher au-dessus de la moyenne suisse, même si une grande partie des sondés ont préféré s’abstenir de répondre. 43% d’entre eux, en effet, n’ont pas fourni de réponse. Parmi les 57% restants, 52% déclarent des revenus parentaux annuels supérieurs à CHF 150’000.- , 35% des revenus supérieurs à CHF 200’000.- et 12% des revenus supérieurs à CHF 300’000.-.
Les résultats
Plateformes citées dans le top 3 des réseaux sociaux les plus visités:
Parmi les répondants de 18-20 ans spécifiquement, le trio de tête se compose d’Instagram, Youtube et Snapchat; consacrant ainsi le déclin de l’usage de Facebook chez les plus jeunes.
“Suivez-vous des marques horlogères sur les réseaux sociaux ?”
Notre échantillon se trouve coupé en deux parts à peu près égales: 49% suivent au moins une marque horlogère sur les réseaux sociaux et 51% n’en suivent aucune. Dans tous les cas, un taux de suivi d’un pour deux est indicateur d’un intérêt important des jeunes envers les marques horlogères et l’horlogerie en général.
49%
suivent au moins une marque horlogère sur les réseaux sociaux
Fréquence d’achat de produits de luxe:
42%
achètent des articles de luxe au moins deux fois par an
Les fréquences d’achat de produits de luxe (parfum Chanel, sac Vuitton etc) révèlent une consommation relativement régulière pour un panel largement composé d’étudiants, tout en mettant en exergue des fractures importantes. Ainsi, près de 15% des sondés déclarent acheter des produits de luxe au moins une fois par mois, alors qu’un peu moins d’un quart d’entre eux n’en achètent jamais. Entre deux, 27,5% révèlent faire des achats de luxe deux à trois fois par an; 18,3% une fois par an et 16,3% moins souvent encore.
“Tu remportes CHF 3’000.-, que fais-tu de cette somme ?”
34%
Investissement ou epargne
26%
Séjour gastronomique tous frais payés
16%
Une montre mécanique de luxe
Le choix d’épargner la somme ou d’investir rassemble un peu plus du tiers des sondés, ce qui peut paraître logique étant donné la composition largement étudiante de notre panel. Le séjour gastronomique figure en deuxième position avec 26%, suivi par la montre mécanique de luxe avec 16% des intentions. Cette troisième position obtenue pour les montres de luxe semble démontrer que l’attrait envers les garde-temps demeure fort chez les jeunes, d’autant plus qu’ils figurent devant des produits d’ordinaire prisés des Millennials et de la génération Z comme des vêtements ou accessoires de luxe (15%), le dernier smartphone du moment (6%) ou un abonnement de 10 ans à Netflix (1,5%). Les smartwatches de luxe terminent en queue de peloton avec 1% des intentions seulement.
“Cette troisième position obtenue pour les montres de luxe semble démontrer que l’attrait envers les garde-temps demeure fort chez les jeunes, d’autant plus qu’ils figurent devant des produits d’ordinaire prisés des Millennials et de la génération Z […]”
“Serais-tu enclin à acheter une montre à plus de CHF 3000.- sur internet sans l’essayer préalablement en magasin ?”
82%
n’achèteraient pas une montre en ligne sans passer en boutique
Moins de 10% des répondants pensent pouvoir acheter une montre entièrement en ligne sans jamais passer en magasin. Un tel degré d’unanimité contre le concept montre un scepticisme marqué des jeunes vis-à-vis des plateformes de ventes horlogères en ligne. D’une autre manière, cela semble confirmer également l’importance centrale de l’expérience en boutique – dont les acheteurs ne peuvent se passer – et rejoint la tendance suisse consistant à grandement favoriser les achats en magasin.
Exposition à la publicité horlogère – “Quand as-tu vu pour la dernière fois une publicité horlogère ?”
Plus de la moitié des jeunes ont été exposés à au moins une publicité horlogère sur les sept derniers jours. Plus de huit sur dix l’ont été durant le mois. Plus de 92% sur les trois derniers mois et 96% il y a moins de six mois. 4% déclarent ne pas en avoir vu durant les six derniers mois. Ces chiffres révèlent une très bonne visibilité de la publicité horlogère, qui semble également marquer les esprits puisque la plupart des répondants n’ont aucun mal à situer leur observation dans une période courte et rapprochée.
82%
ont été exposés à au moins une publicité horlogère durant le mois
Exposition à la publicité horlogère – “Où as-tu vu cette publicité ?”
50%
ont vu leur dernière publicité horlogère sur internet
Sans surprise, 36,2% des répondants ont vu leur dernière publicité horlogère sur les réseaux sociaux et 13,4% l’ont observée ailleurs sur internet. Les panneaux d’affichage publics captent 29% des réponses, puis les magazines spécialisés avec 10%, la presse généraliste avec 5,5%, les évènements sportifs avec près de 4% et enfin la télévision avec 1,6% seulement. Ces résultats soulignent l’importance du marketing digital pour toucher efficacement les plus jeunes générations, tout en mettant également en exergue le rôle important des affichages publics.
Accès à l’information – “T’estimes-tu suffisamment informé(e) des actualités horlogères (générales, nouveautés, innovation) ?”
Près de six jeunes sur dix ne s’estiment pas suffisamment informés des actualités horlogères, dont 22% de “non, pas du tout” et de “35% plutôt non”. Seuls 38% s’estiment suffisamment informés de l’actualité des montres, dont seulement 8% de “oui, tout à fait” et 30% de “plutôt oui”.
A travers ces résultats, on peut percevoir un intérêt appuyé des jeunes pour le monde horloger, en partie contrarié par un déficit d’informations horlogères à leur endroit.
57%
ne s’estiment pas suffisamment informés de l’actualité horlogère
Visibilité des salons – “Lesquels des évènements suivants connais-tu ?”



Les deux tiers des répondants déclarent connaitre l’existence du salon horloger Baselworld. En revanche, seuls 45% connaissent le salon genevois Watches & Wonders, anciennement SIHH. Ce différentiel n’apparaît pas disproportionné étant donné la plus grande fréquentation du salon bâlois, son nombre plus important de marques partenaires et son ancienneté. Enfin, près de 28% des sondés déclarent ne connaitre aucun de ces deux salons horlogers suisses.
Connaissance de la haute horlogerie – “As-tu déjà entendu le terme “haute horlogerie” ? Si oui, que signifie-t-il à tes yeux ?”
63%
connaissent l’existence du terme de haute horlogerie

63% des jeunes interrogés disent connaitre l’existence du terme de “haute horlogerie”. On peut considérer qu’il s’agit là d’un bon taux de reconnaissance étant donné la relative jeunesse du concept, fruit des efforts de la Fondation de la Haute Horlogerie (FHH) pour obtenir une nouvelle référence horlogère désormais détaillée dans son livre blanc de la haute horlogerie. Parmi les mots-clés cités par les sondés pour définir leur vision du concept, on peut compter: “complications”; “luxe”; “qualité”; “précision” et “savoir-faire” qui forment le top cinq des termes les plus formulés. Suivent ensuite les notions associées au prix comme “expensive”, puis l’innovation, l’excellence et l’artisanat. Dans l’ensemble, ce sont des mots et associations appropriés que les jeunes ont utilisés pour décrire simplement le concept de haute horlogerie, prouvant ainsi qu’ils s’en font une bonne conception et que le terme est évocateur auprès d’un large public. Point noir: 37% des jeunes sondés avouent toutefois ne pas connaitre le terme phare de la FHH.
“Point noir: 37% des jeunes sondés avouent toutefois ne pas connaitre le terme phare de la FHH.“
Evocations sur le savoir-faire horloger suisse – “Quels sont les 3 premiers qualificatifs ou associations de valeurs qui te viennent à l’esprit en pensant au “savoir-faire horloger” suisse ?”

96%
des termes cités pour qualifier le savoir-faire horloger suisse sont mélioratifs
Les horlogers helvètes ont matière à se réjouir avec ces résultats puisque que la quasi-totalité des qualificatifs employés par les jeunes pour évoquer le savoir-faire horloger suisse sont mélioratifs. Plusieurs termes émergent largement de par leur récurrence, parmi lesquels “Précision” et “Qualité”, cités respectivement par 48% et 37% des répondants. Suivent ensuite les qualificatifs “Tradition” avec 15%, “Luxe” avec 14%, “Prestige” avec 13% et même “Excellence” avec 11% des sondés. Rassemblant entre 4% et 6% des répondants, on trouve également les termes “Héritage”, “Fiabilité”, “Artisanat”, “Minutie” et “Savoir-faire”. Enfin, on peut constater une évocation non-négligeable du thème de l’esthétique par le biais de l’usage de mots comme “Beauté”, “Design”, “Elégance” ou “Art”, présents chez 6% des sondés. De la même façon, les termes horlogers techniques – “COSC”, “Mouvements ETA”, “Poinçon de Genève” – sont mentionnés par 5% d’entre eux.
Parmi les adjectifs plus neutres, “Cher” s’affiche de loin comme le plus répandu avec 7% des jeunes le citant pour qualifier le savoir-faire horloger suisse. Trois qualificatifs dépréciatifs sont utilisés à une occurrence chacun – “Prétentieux”, “Cartel” et “Monopole” – mais représentent à eux trois moins de 1% des termes évoqués, soit autant que ceux ayant trait à la perfection.
Perception de l’industrie horlogère suisse – “Sur une échelle de 1 (ne correspond pas du tout) à 5 (correspond parfaitement), à quel point les termes suivants te semblent correspondre à l’industrie horlogère suisse ?”
Note moyenne obtenue par l’industrie horlogère suisse selon chaque critère
Attrayante prof.
4,3/5
Fermée/exclusive
4/5
Innovante
3,8/5
Proche des clients
3,7/5
Moderne
3,5/5
L’attractivité professionnelle de l’industrie horlogère suisse est reconnue presque unanimement par le panel de nos sondés, réalisant un score de 5/5 auprès d’un peu plus de la moitié d’entre eux et de 4/5 auprès d’un tiers. 15% à peine lui décernent une note inférieure à 4/5, illustrant ainsi le grand pouvoir d’attraction que l’industrie continue d’exercer sur les jeunes. Les capacités d’innovation du secteur horloger sont également saluées avec une moyenne de 3,8/5. Les sondés sont 65% à les évaluer à au moins 4/5, 25% à les évaluer à 3/5 et 10% seulement à moins de 3/5. De la même façon, l’industrie est jugée proche de ses clients avec une note supérieure ou égale à 4/5 pour 62% des répondants, même si les résultats paraissent plus mitigés avec également 26% de notations à 3/5, 4,5% à 2/5 et – fait exceptionnel sur la série – jusqu’à 7,5% de 1/5.
85%
jugent l’industrie horlogère suisse attrayante professionnellement
67%
jugent l’industrie horlogère suisse fermée ou exclusive
Malgré ces premiers bons résultats, l’horlogerie suisse pourrait s’inquiéter de certaines tendances mises en valeur par les évaluations des deux derniers critères. Tout d’abord, elle est jugée fermée ou exclusive par plus des deux tiers des jeunes, avec une évaluation moyenne de 4/5. Ils ne sont que 8% à lui donner un 2/5 ou moins. Cette vision visiblement répandue d’une industrie peu ouverte vient noircir le tableau d’un secteur pourtant perçu comme attrayant et dont les produits continuent de fasciner comme nous avons pu le voir plus haut.
Enfin, le panel accorde une note plus modeste de 3,5/5 à l’industrie horlogère pour sa modernité: c’est son plus mauvais score parmi les cinq critères étudiés. Ils ne sont que 19% à la noter 5/5, un tiers 4/5 et un autre 3/5. 14% l’évaluent même à 2/5 ou moins. Il apparaitrait donc que l’industrie ait un peu plus de mal à afficher une image moderne auprès des jeunes.
“Cette vision visiblement répandue d’une industrie peu ouverte vient noircir le tableau d’un secteur pourtant perçu comme attrayant et dont les produits continuent de fasciner […]”
Visibilité des marques – “Quelles sont les trois marques horlogères qui te viennent spontanément à l’esprit ?”
Réponses (wordcloud)
Sans trop de surprise, on constate que Rolex fait la course en tête avec une confortable longueur d’avance. C’est en effet près de 63% des jeunes qui citent la marque à la couronne dans les trois premiers horlogers leur venant à l’esprit. Patek Philippe obtient la deuxième position avec un taux de citation de 31% et Audemars Piguet clôt le trio de tête avec 22%. En quatrième position figure Swatch, citée par 18% des répondants, suivi par Omega en cinquième position et 15%. Hublot prend la sixième position avec 13%, suivi par Tissot avec 12% et Jaeger-LeCoultre avec 9%. Ex æquo à la neuvième place du classement, on trouve Tag Heuer, Longines et Cartier rassemblant chacun 6% de taux de citation. Enfin, IWC prend la dixième place avec 4%.
Détail intéressant à relever: parmi les 444 citations de marques valides, seules 7% des entrées concernent des marques horlogères étrangères et 83% des sondés n’en citent aucune dans leur top 3. C’est donc plus de neuf citations sur dix qui mettent en avant une marque suisse, illustrant une forte domination des marques helvètes dans l’imaginaire horloger des jeunes suisses. Comme pour enfoncer le clou, aucune mention n’est faite du géant japonais des montres Seiko, une seule de Casio et Fossil n’est cité que par 2% des répondants. La marque Daniel Wellington, réputée pour ses campagnes virales et un marketing digital extensif (notamment sur Instagram), prend la première position parmi les horlogers étrangers avec un taux de citation de 3,5% et manque de peu une entrée au sein du top 10 des marques les plus citées.
“C’est donc plus de neuf citations sur dix qui mettent en avant une marque suisse, illustrant une forte domination des marques helvètes dans l’imaginaire horloger des jeunes suisses.”

marché de l’horlogerie suisse en 2019
On pourrait comparer le classement des marques suisses en parts de marché du rapport de Morgan Stanley Research (2019) avec leur classement en terme de citations (soit leur visibilité auprès du segment des jeunes) afin d’identifier lesquelles d’entre elles réalisent les meilleures performances. Rolex confirme son leadership en se plaçant largement en tête des deux classements. La meilleure performance revient ensuite à Hublot, classé à la onzième place sur le marché mais figurant en sixième position dans l’evoked set des jeunes, soit un bon de 5 places (le “Biver effect” ?). Patek Philippe et Audemars Piguet réalisent également de bonnes performances en gagnant respectivement deux et trois places entre les deux classements pour rentrer dans le top 3 de notre ranking. Parmi les plus mauvaises performances, on compte Longines, perdant six places, Cartier en perdant quatre et Omega avec un recul de trois places. Ces trois dernières marques perdraient-elles en visibilité auprès des jeunes générations malgré leur bonne position actuelle sur le marché des montres ?
Positionnement perçu des marques – “Selon toi, quels sont les niveaux de gamme des trois marques que tu as citées ?”
Dans l’ensemble, les positionnements perçus des marques semblent relativement fidèles à leurs positionnements prévus à quelques exceptions près. Rolex est ainsi positionné dans le segment “High luxury” par plus de 52% des sondés, par 32% dans celui du “Luxury” et 16% restants perçoivent même la marque comme “Luxury affordable”. Patek Philippe fait l’unanimité ou presque avec plus de 93% des répondants plaçant l’horloger genevois dans le segment du “High luxury”. De même, Audemars Piguet semble jouir d’un positionnement perçu assez similaire avec près de 76% de “High luxury” et 24% de “Luxury”. 52% perçoivent Swatch comme une marque “Mid-range” et 37% comme une marque “Low-end”. 11% restants la voient même comme une marque “Affordable Luxury” ou “Luxury”, ce qui ne semble pas tout à fait correspondre au positionnement recherché par M. Nicolas Hayek et ses successeurs.
Les répondants citant Omega sont 48% à percevoir la marque comme étant orientée “Luxury” et les deux quarts restants penchent plutôt pour “Luxury affordable” et “High luxury” respectivement. Une fois encore donc, un positionnement perçu relativement proche des aspirations de l’horloger. Inversement, Hublot pourrait afficher une plus grande dichotomie: en effet, ils ne sont que 37% à la voir comme une marque “High Luxury” contre 47% de “Luxury” et 16% de”Luxury affordable”.
Au contraire de Patek Philippe, Tissot semble susciter la controverse puisqu’un tiers des répondants classent la marque dans “Luxury”, un autre tiers dans “Affordable luxury”, 28% dans “Mid-range” et le reste dans “Low-end”; peut-être là encore une différence marquée entre positionnement perçu par le public et positionnement recherché par l’horloger. Enfin, Jaeger-LeCoultre clôt notre analyse avec une polarisation presque parfaite entre “High luxury” et “Luxury”, respectivement 54% et 46% des réponses.
Evaluation des critères d’achat – “Sur une échelle de 1 (pas du tout important) à 7 (extrêmement important), quelle importance accordes-tu à ces critères lors de l’achat d’une montre ?”
Note d’importance moyenne obtenue par chaque critère d’achat
Certifications officielles
5,2/7
Montre neuve
4,9/7
Matériaux utilisés
5,1/7
Possib. personnalisation
3,65/7
Marque
5/7
Ecoresponsabilité
3,6/7
Label Swiss Made
4,95/7
Possibilités de revente
3,2/7
L’analyse des résultats de cette question nous livre plusieurs enseignements dont certains apparaissent tout à fait surprenants. Tout d’abord, on constate avec étonnement les moyennes médiocres obtenues par les critères des possibilités de personnalisation et de l’écoresponsabilité ; deux exigences dans les choix de consommation pourtant souvent qualifiées d’incontournables chez les Millennials et la génération Z. Les deux critères flirtent en effet avec la moyenne en obtenant 3,65/7 pour les possibilités de personnalisation et 3,6/7 pour l’ecoresponsabilité. Ce dernier critère environnemental réalise même le deuxième score en nombre de notes de 1/7 obtenues, avec près de 19,5% des répondants choisissant de lui accorder le moins d’importance possible. Le reste des notes se distribue de manière relativement uniforme, avec un nombre d’évaluations à 6/7 le plus faible de toute la série et 11,6% de 7/7, soit le troisième plus petit nombre de notes maximales après les possibilités de revente et de personnalisation. Ce résultat et cette contre-performance du facteur environnemental semblent relativement contre-intuitifs par les temps qui courent. Néanmoins, il est possible que l’importance du critère écologique soit mis au second plan lors d’un premier achat – encore à venir pour la majorité d’entre eux et donc très passionnel – et ne prenne une place de choix que lors d’achats ultérieurs. Le marché horloger possède après tout ses dynamiques propres avec des achats plus rares et espacés, et un impact environnemental plus diffus.
“[…]on constate avec étonnement les moyennes médiocres obtenues par les critères des possibilités de personnalisation et de l’écoresponsabilité ; deux exigences dans les choix de consommation pourtant souvent qualifiées d’incontournables chez les Millennials et la génération Z.”
En bon dernier, le critère des possibilités de revente ne suscite pas l’adhésion et rassemble près de 30% de 1/7, soit la plus forte proportion de la série. On note également la plus faible proportion de notes de 7/7 – 8,5% à peine – pour la seule note globale inférieure à la moyenne avec 3,2/7. Les montres-investissements ne font donc pas recette chez les jeunes et ces derniers tendent plutôt à voir leur garde-temps comme un objet exclusif durablement en leur possession. Cette perception est encore validée par le bon score moyen obtenu auprès des répondants par le critère « Montre neuve » avec 4,9/7. Le critère réunit même le plus grand nombre de notes maximales de 7/7, soit 31% des réponses. Viennent ensuite 20% de 6/7 et 14% de 5/7. A ne pas négliger tout de même : plus de 10% de 1/7, et encore 10% de 2/7 qui viennent démontrer néanmoins l’existence d’un marché pour l’occasion chez les jeunes.
La montre confirme là son statut spécial intact dans les esprits, toutes générations confondues, en tant qu’objet de prestige particulier destiné à la jouissance exclusive d’un propriétaire (et de ses légataires).
Bonne nouvelle pour l’horlogerie helvétique, Le label Swiss Made est jugé incontournable par une large majorité en obtenant une moyenne de 4,95/7 dont plus de 30% de 7/7 – la deuxième meilleure performance – et près de 80% de notes supérieures ou égales à 4/7. Enfin, la composition du trio de tête des critères jugés les plus importants à l’achat nous révèle des préférences finalement très traditionnelles parmi les plus jeunes. Les certifications officielles sont ainsi plébiscitées avec une moyenne de 5,2/7 et un record absolu de 54% de notations supérieures ou égales à 6/7. Moins de 16% des notes sont inférieures à 4/7, démontrant l’importance cruciale des certifications horlogères dans l’acte d’achat des 18-25 ans.
80%
jugent la présence du label Swiss Made plutôt importante ou très importante
En deuxième position figurent les matériaux utilisés avec une moyenne de 5,1/7 et près de 90% de notes supérieures ou égales à 4/7. Enfin, la dernière place du podium revient au critère de la marque affichant une moyenne de 5/7 et près de 75% de notes supérieures ou égales à 5/7. Certifications officielles, matériaux, marque ; voilà donc les trois premiers critères considérés par les jeunes dans leur choix d’un garde-temps, alors que l’écoresponsabilité et les possibilités de revente et de personnalisation font figure de bons derniers. Des préférences donc peu atypiques, révélant une certaine universalité et une permanence dans les critères formant l’attractivité d’une montre. Oui, mais jusqu’à quel point ? Le classement pourrait-il se retrouver bouleversé après un premier achat plus passionnel ?
Désirs – “Pour finir, si tu devais disposer d’un budget illimité, quelle serait alors la montre de tes rêves ?”

Pour clôturer notre enquête, nous avons demandé une ultime faveur à nos répondants en les invitant à nous faire part de leurs désirs horlogers les plus déraisonnables ou les plus passionnés. La première chose qui attira mon attention à la lecture des résultats fut la grande précision de la plupart des réponses, citant les noms et références exactes à la lettre ou au nombre près. On peut notamment constater une grande connaissance des références Patek Philippe, dont je dus encore éliminer quelques unes des citations afin que l’algorithme puisse constituer un nuage de mots cohérent.
Avec 17% des réponses, ce sont donc bien les garde-temps Patek Philippe qui suscitent le plus de convoitises. Le modèle Nautilus apparait comme le plus désiré de l’horloger genevois mais pléthore d’autres références sont également citées, comme des modèles à grandes complications et des montres à calendrier perpétuel. Rolex est en deuxième position avec près de 12% des réponses mais les références précises se font plus rares, au bénéfice d’un “Rolex” plus succin et généraliste. Une fois encore, Audemars Piguet vient clôturer un trio de tête en s’attribuant 8% des modèles cités à égalité avec Cartier. Le modèle Panthère fait figure de référence la plus désirée chez la marque du groupe Richemont alors que la Royal Oak remporte largement les faveurs des amateurs d’Audemars Piguet.
Suivent ensuite des marques comme Jaeger-Lecoultre, Hublot, Omega, Vacheron Constantin et Longines, souvent accompagnés d’une référence précise. On remarque également plusieurs citations de marques horlogères de très grand luxe occupant des marchés de niche, comme Jacob & Co et Richard Mille.
Enfin, cette dernière question fut aussi l’occasion pour certains de révéler leur personnalité à travers une réponse laconique, comique ou encore par quelques bons mots, que nous offrons à la postérité car ils surent égayer un travail d’analyse de données parfois laborieux.
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En définitif, cette enquête aura permis de valider plusieurs intuitions que nous pouvions avoir sur le rapport qu’entretiennent les jeunes à l’horlogerie. Tout d’abord, l’intérêt prononcé de la génération Z et des Millennials vis à vis des montres et de l’industrie horlogère est confirmé : le secteur est perçu comme très attractif professionnellement ; les montres de luxes figurent en bonne position dans leurs désirs de consommation ; une très large majorité connaît au moins un des évènements horlogers et le savoir-faire horloger suisse est universellement reconnu et valorisé.
Dans un deuxième temps, on peut constater une tendance nette soulignant des limites existantes à cette relation. En effet, ces mêmes jeunes ne se sentent pas suffisamment interpellés par les horlogers : beaucoup jugent l’industrie horlogère très fermée et exclusive et une large majorité ne s’estime pas assez informée des actualités horlogères. L’intérêt prouvé de la jeunesse pour l’horlogerie ne semblerait donc pas assez réciproque aux yeux des jeunes générations.
Il faut noter également de bonnes connaissances de base de l’horlogerie en général (marques, positionnements, concepts importants) qui viennent souligner encore un intérêt appuyé pour le secteur, de même qu’une bonne exposition aux publicités horlogères en ligne comme en support physique.
Enfin, les résultats nous aurons aussi réservé des surprises : ils font apparaître une grande prévalence des critères d’achats classiques (certifications, matériaux, marque) dans les choix de consommation, reléguant en dernière position des critères souvent perçus comme centraux chez les jeunes sur d’autres marchés, tels que les possibilités de personnalisation ou l’écoresponsabilité. De façon toute aussi surprenante, une écrasante majorité se montre très sceptique vis-à-vis des achats en ligne entièrement dématérialisés et ne pourrait concevoir d’acheter un garde-temps sans jamais passer en boutique ; ce qui une fois de plus semble aller à l’encontre d’une tendance générale – plus marquée encore chez les jeunes – à la montée en puissance du shopping en ligne.
A travers ces témoignages, le marché des montres semblerait donc en mesure de conserver ses particularités et ses mécaniques traditionnelles, mais pour combien de temps ? Ces spécificités ne font-elles que retarder les changements inéluctables qui agitent déjà les autres marchés ou constituent-elles un rempart garantissant une identité immuable ?
Quoi qu’il en soit, les garde-temps ne semblent pas prêts d’arrêter de fasciner génération après génération d’amateurs comme de collectionneurs, et la future génération d’acheteurs et de passionnés est déjà là : l’industrie horlogère saura-t-elle lui parler ?

Maxime Pastore