Les montres, objets d’investissement ?

Si les montres se sont depuis longtemps imposées comme accessoires indispensables pour nous assister dans le cadencement de nos vies, ou encore comme parures dont la précision micromécanique ne cesse de nous fasciner, certains acheteurs les perçoivent également comme des objets d’investissement.

Mais alors, quelle valeur supplémentaire le temps peut-il bien donner à la montre ? Tous les modèles présentent-ils le même potentiel ? C’est entre autres ce que nous allons explorer à travers cet article.

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L’analyse des ventes aux enchères de garde-temps chez Sotheby’s, Antiquorum, Christie’s ou encore Phillips nous offre un élément de réponse : la marque et son image ont toute leur importance dans l’accroissement de la valeur.

En effet, on trouve parmi le top 100 des montres les plus chères (en équivalent dollars 2019) jamais revendues aux enchères (1) 73 garde-temps de la marque Patek Philippe et 13 de la marque Rolex ; soit deux des plus grands noms de l’horlogerie Suisse, jouissant de caractères facilement identifiables à l’international même auprès des publics les moins renseignés. Suivent ensuite Breguet avec quatre montres, Vacheron Constantin avec trois, ainsi que des marques comme Omega ou Richard Mille avec une montre chacune.

Vous me rétorquerez, avec justesse, que dès leur commercialisation la plupart de ces montres auraient été hors des moyens de la grande majorité d’entre nous. Néanmoins, la logique rendant la revente de ces garde-temps prestigieux si fructueuse guide également celle de montres plus abordables.

Comme la surreprésentation des montres Patek Philippe au sein du classement le met en évidence, le critère de la rareté combiné au prestige de la marque sont des forces motrices majeures pour la fixation du prix de revente.

Ce critère de rareté, pour les modèles les plus abordables, dépend évidemment de l’ancienneté de la pièce, expliquant ainsi l’attrait particulier des collectionneurs pour les montres « vintage ».

En effet, plus une série est ancienne, plus il est probable qu’elle aura vu des modifications ou mises à jour être apportées à son mécanisme et à son design, rendant ainsi l’exemplaire originel exclusivement accessible sur le marché secondaire. Par la suite, mécaniquement, les exemplaires en bon état restants s’y feront de plus en plus rares. De même, l’arrêt de la production d’une série ne peut qu’aider à son renchérissement, même s’il n’en est néanmoins pas le garant.

La rareté peut aussi concerner d’autres caractéristiques propres à la montre, comme des éléments particuliers et inhabituels qui semblent briser avec goût les codes usuels de la marque. Par exemple, les cadrans blancs se trouvent être relativement rares chez Rolex et cela pourrait expliquer l’attrait des investisseurs pour la Rolex Explorer II. La connaissance des particularités des marques et l’attention au détail sont donc requis afin de pouvoir repérer les garde-temps à fort potentiel.

Enfin, l’état de la montre est une variable à ne pas négliger, et si vous comptez faire de votre garde-temps avant tout un objet d’investissement, mieux vaudrait en prendre grand soin ou le garder à l’abri de tout choc et dégradation. Une montre d’occasion mais d’état comme neuf peut en effet être revendue de 15% à 30% plus cher (2) qu’un autre exemplaire d’occasion d’état standard comprenant des traces d’usure visibles comme des rayures ou des impacts.

Néanmoins, ne perdez pas tout espoir si votre montre semble affectée par le temps !

En effet, dans des cas précis et rares, le défaut de production ou la dégradation liée au temps peuvent constituer un élément de différenciation estimable pour la montre.

Souvent, les garde-temps concernés sont ceux dont la couleur de la lunette, du cadran ou du boitier s’est dégradée par l’action du temps et a acquis ainsi une coloration rare et indisponible à la vente, présentant l’effet “vintage” tant valorisé.

Il convient de rappeler le rôle crucial joué par l’affect et le ressenti dans un marché comme celui des biens de luxe, les montres d’investissement ne faisant pas exception.

Difficile ici en effet d’analyser des fondamentaux chiffrés et de s’en servir pour élaborer des projections. Sur un tel marché, il faut tenter d’anticiper des modes ou des tendances essentiellement motivées par des engouements collectifs et soudains pour un objet particulier. Des causes rationnelles peuvent en partie expliquer la naissance de ces passions, sans nécessairement indiquer quand le marché consentira à leur accorder de la valeur.

Si la marque confère une indéniable et particulière aura à ses garde-temps, certains modèles acquièrent quelquefois une image qui leur est propre de par leur positionnement marketing, les personnalités qui les ont arborés ou les évènements particuliers liés à leur histoire, et jouissent ainsi d’une reconnaissance instantanée auprès des amateurs comme des professionnels.

Cet aspect, parfois aussi puissant que l’image de la marque en elle-même, aiguille les investisseurs vers certaines lignes et séries spécifiques qui occupent des places centrales dans l’imaginaire horloger collectif. Les modèles de Submariner ou Daytona de Rolex constituent des exemples flagrants, de même que la Monaco de Tag Heuer ou encore la Seamaster Omega.

D’autres modèles tels que la Reverso de Jaeger-LeCoultre ou la Royal Oak d’Audemars Piguet pourraient bien sur également figurer dans cette catégorie prisée.

Il apparaît aussi que le différentiel avec le prix au détail initial puisse grandement progresser avec le temps. En effet, la Rolex Daytona Oyster Albino d’Eric Clapton, vendue une première fois par l’artiste en 2003 pour la somme de $505’000, fut revendue aux enchères en 2015 pour cette fois près de $1’400’000 (7), brisant ainsi par deux fois le record du prix le plus élevé jamais payé pour une montre Rolex d’occasion !

Facteurs de formation du time premium

Sans surprise, la quasi-totalité des articles traitant du sujet des « montres-investissement » mentionnent systématiquement le même couple de marques : Rolex et Patek Philippe. Sont mentionnées également de manière récurrente de grandes marques comme Audemars Piguet, Omega et également F. P. Journe. Moins connue du grand public, cette dernière se caractérise par l’extrême précision de ses mécanismes et la grande rareté de ses chronomètres, dont moins d’un millier sort chaque année des ateliers.

L’agence de consulting britannique Knight Frank tient un indice mesurant l’évolution des prix d’une sélection d’objets d’investissement dans le domaine du luxe. Dans ce cadre, elle calcule régulièrement le prix à la valeur du marché d’un panier de montres de luxe triées sur le volet (10).

Au regard des valeurs de l’indice Knight Frank, on s’aperçoit rapidement que les montres d’investissement ne figurent pas parmi les meilleurs actifs s’étant le plus renchéris durant les 10 dernières années.

Toutefois, leur profitabilité apparait plus compétitive sur les périodes de temps plus rapprochées puisqu’elles gagnent 3 places au classement entre les rendements à 10 ans et ceux à 12 mois, entrant ainsi dans le top 5 des actifs les plus rentables à 1 an au deuxième trimestre 2018.

Cela pourrait-il indiquer une dynamique naissante sur le marché de la montre d’investissement ?

Nous nous garderons bien d’en attester. Cependant, un autre élément pourrait également nous suggérer un récent engouement du marché pour les montres de luxe. En effet, parmi les 100 garde-temps du top 100 des montres les mieux revendues de l’histoire, 31 ont fait leur entrée dans le classement sur la courte période s’étalant de 2017 à 2019.

L’indice Knight Frank le plus récent, datant du deuxième trimestre 2019, illustre également cette progression des montres dans le classement sur les périodes proches même si les rendements demeurent modestes. Les montres de luxes ne figurent ainsi plus dans le top 5 des investissements les plus rentables sur 12 mois.

Plus que tout, et au delà du simple actif, il faut reconnaitre au garde-temps un atout faisant défaut à d’autres classes d’investissement comme le vin ou les voitures. En effet, il est possible d’en jouir pleinement sans pour autant en déprécier la valeur, et son fonctionnement mécanique fiable peut en assurer la longévité pour plusieurs générations, gagnant encore en valeur à chaque transmission.

Parmi les biens de luxe en général, il faut remarquer cette rare capacité des montres de haute horlogerie à assurer une rétention de valeur minimale tout en garantissant un plein usage de leurs fonctions, résultante de leur robustesse sans pareille et d’un entretien régulier.